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Constance Debré
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«Un meurtre c'est fait pour que quelque chose s'arrête. Est-ce que c'est possible que les choses s'arrêtent, que ce ne soit pas toujours le même aplat de tout, sur le même ton, à la même vitesse qui vous avale, irrespirable, le souffle court, ne plus avoir d'oxygène au cerveau à force, est-ce que c'est possible que tout le monde se taise, que le bébé se taise, que sa mère se taise, que le dealer se taise, que les flics se taisent, que les juges se taisent, que tous ils se taisent. Qu'ils fassent ce qu'ils veulent de lui, il leur donne son corps, mais qu'il puisse se taire, qu'ils le laissent ne plus répondre.»
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«J'ai un programme politique. Je suis pour la suppression de l'héritage, de l'obligation alimentaire entre ascendants et descendants, je suis pour la suppression de l'autorité parentale, je suis pour l'abolition du mariage, je suis pour que les enfants soient éloignés de leurs parents au plus jeune âge, je suis pour l'abolition de la filiation, je suis pour l'abolition du nom de famille, je suis contre la tutelle, la minorité, je suis contre le patrimoine, je suis contre le domicile, la nationalité, je suis pour la suppression de l'état civil, je suis pour la suppression de la famille, je suis pour la suppression de l'enfance aussi si on peut.»
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«Je ne vois pas pourquoi l'amour entre une mère et un fils ne serait pas exactement comme les autres amours. Pourquoi on ne pourrait pas cesser de s'aimer. Pourquoi on ne pourrait pas rompre. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas s'en foutre, une fois pour toutes, de l'amour.»Constance Debré poursuit sa quête entamée avec Play Boy, celle du sens, de la vie juste, de la vie bonne. Après la question de l'identité se pose celle de l'autre et de l'amour sous toutes ses formes, de l'amour maternel aux variations amoureuses. Pour être libre, faut-il accueillir tout ce qui nous arrive ? Faut-il tout embrasser, jusqu'à nos propres défaites ? Peut-on renverser le chagrin ?
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« J'ai même pas osé mettre la langue la première fois que j'ai embrassé une fille. C'était après Laurent. Avant je savais mais c'était théorique. J'ai fait un effort pour la deuxième. Je lui ai roulé une vraie pelle. Ça m'avait flattée comme un mec qu'elle soit mannequin. On progressait. J'avais toujours peur, mais moins. Sauf qu'à chaque fois on en était restées là. Ou plutôt elles en étaient restées là avec moi. Des hétéros qui se posaient vaguement la question et qui avaient calé. Des filles plus jeunes que moi, mais des filles comme moi. »
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Démettre le monde, ne plus y être pour personne, vivre enfin dans le dégagement, le défaut, le dévers, glisser vers les marges, les notes de bas de page, les parenthèses, les incises, les avant-propos, traquer la vérité dans un exil parfait, loin du passage des heures, des gestes et des mots inutiles, rompre enfin avec le mensonge des faits, s'ouvrir au rien, à la lenteur, à la latence, ne plus être dans l'existence mais exister dans l'être, le peut-être, l'avant-être, être en amont du monde, au coeur de la juste distance, entre le ciel et soi, loin des contingences de la terre, et des autres, pour y chercher sans hâte le sens qui emplit le monde du vacarme assourdissant de son absence, pour y chercher le juste point de l'être, éprouver jusqu'au bout le vertige de l'écrasement, l'écho du monde, creuser au plus profond de soi, jusqu'à se retrouver, ou se perdre, tenter l'expérience pure de l'être. Ecriture de l'intime loin des confessions, du je loin des circonstances, de la solitude comme voyage et hypothèse, Un peu là beaucoup ailleurs est le récit immobile d'un pari, celui d'une vie autre, depuis le lieu - seul habitable ? seul possible ? seul réel ? - d'un soi vacant et ouvert, jusqu'à l'absence, et tel souverainement élu.
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Ouvrage désinvolte et grave à la fois, le Manuel pratique de l'idéal est un livre de philosophie de l'existence, de philosophie des détails. Par la succession enlevée de paragraphes courts et tranchants, cet abécédaire de survie cherche une voie, une façon d'être, qui serait sans rigueur ni affectation, sans arrogance ni complaisance. Sauver ce qui peut l'être, ou ce qui peut l'être encore, rester propre en quelque sorte face aux insistantes vanités du siècle ; demeurer libre ou le devenir, se maintenir ou ne pas trop déchoir, élire nos gestes, et d'abord les plus apparemment anodins, jusqu'à leur nonchalance. Comment vivre, sans doute, mais par la voie de la métonymie, en commençant par la question des courses au supermarché, en arbitrant entre bains et douches, en évoquant les canapés, le sport ou les cartes postales, mais aussi la liberté, l'oisiveté, l'indécence du bien, l'usure des choses ou l'ennui. S'il fallait définir, prévoir ou espérer le lecteur idéal de l'opuscule, on penserait à cette catégorie particulière de paresseux qui tâchent de concilier leur gout du tragique avec celui de la légèreté.